-Les ponts sur la Rhonelle à Famars
1°) Pourquoi un article avec pont au pluriel ?
La plupart des Sarrasins (habitants de Famars), des promeneurs, des randonneurs, des « VTTistes » ne connaissent que le pont de la Tranquillité qui permet de traverser la Rhonelle en bas du « chemin des Postes ». Ce pont est même emprunté certaines années par le Paris-Roubaix.
Vous découvrirez la réponse en lisant/regardant cet article
Photo du pont de la tranquillité actuel.
Tranquillité est le nom du lieu-dit et non pas un nom convenant à la Rhonelle. Cette rivière qui fait au plus 4m de large se permet à certaines époques d’inonder le bas des villages situés en aval :Aulnoy et Marly. La dernière inondation importante date de 2002 voir autre article de ce blog en cliquant ici. À une époque elle contribuait à la défense de Valenciennes en inondant le sud de Valenciennes lors de fermeture de la porte d’eau dite « tour de la Dodène » sise dans les remparts.
2°Maintenant faisons un bon en arrière de 2000 ans dans l’Histoire, à l’époque Gallo-Romaine.
Ce pont de la tranquillité n’existait pas sous cette forme pour la bonne raison que la Rhonelle était beaucoup plus large. C’était donc un autre pont qui enjambait la Rhonelle qui d’après les archéologues de l’INRAP faisait 30 à 60m de largeur. Des passionnés d’archéologie, s’appuyant sur des données provenant des archéologues ont pu dessiner l’image de synthèse ci-dessous.
Attention cette image est sous copyright ©Fodere et Visum (site fermé, en cours de refonte)
A quoi pouvait donc bien servir un tel pont ? En fait, il se situait sur la voie antique appelée par la suite « Chemin des postes » qui reliait Bruxelles à Paris . Une autre voie totalement disparue reliait Bavay, capitale administrative des Nerviens à Arras capitale des Atrébates en passant par Famars et Lewarde. Ce n’était pas une huitième chaussée Brunehaut tracée au Néolithique et pavées, dallées et entretenues par les Romains mais une chaussée Romaine. Venant de Bavay, elle entrait dans le territoire de Famars au niveau du chemin de Saméon puis bifurquait sur le chemin des postes, traversait la ville et se dirigeait vers Trith
Maintenant en exclusivité, en cliquant ici, vous découvrirez une vidéo 3D de la Rhonelle, du « chemin des postes », de la « cavée », du pont de la tranquillité, de l’ embarcadère et des embarcations du début de notre ère. En arrière plan le théâtre de Famars situé sur l’actuelle rue des aubépines. Cette vidéo qui concrétise les dernières recherches archéologiques m’est communiquée en exclusivité par les créateurs du Site ©Fodere et Visum (Site fermé, en cours de refonte)
Une autre chaussée Romaine tracée et construite également par les Romains reliait Fanum-martis (Famars) à Hermoniacum (Bermerain). Cette voie qui a pour nom actuel rue de Bermerain vient d’être en partie empruntée dans un nuage de poussière par le tour de France en Juillet 2015. Il est certain que cette voie n’a jamais connu autant de monde (sauf à l’époque ou les légionnaires l’empruntaient.)
Finissons cet aparté et revenons à la chaussée perdue reliant Bavay à Arras en passant par Famars.
Les archéologues de l’ Inrap en ont trouvé des traces lors des sondages de 2008 effectués près du chemin de Saméon. Ils soupçonnent la présence d’un embarcadère sur la Rhonelle à proximité du pont. Seuls des nouveaux sondages pourraient confirmer cette hypothèse.
Ci-dessous une reconstitution des embarcations qui naviguaient sur la Rhonelle. Photo prise à l’Archéosite d’ Aubechies (Belgique).
Il y a quelques années à Trith lors de la mise au gabarit de l’Escaut d’autres archéologues avaient trouvé, une sorte de mille feuilles de matériaux typiques d’une chaussée Romaine à flanc de rive fraîchement abattue.
http://www.persee.fr/doc/rnord_0035-2624_1989_num_71_280_4432?q=famars
On peux en déduire qu’il existait à ce niveau également un pont romain, sur l’Escaut cette fois. D’ailleurs un hameau qui avait pour nom Pont-de-Trith puis Pont figure dans les albums de Croÿ . Ce village maintenant disparu a été absorbé par l’agglomération de Trith. Cette toponymie pourrait accréditer cette hypothèse.
On trouve sur le site internet de la mairie de trith
« En 1170, le village, étalé sur les deux rives de l’Escaut, s’appelait Pont de Trith (de « trajectus », passage de cours d’eau), ancien mot tudesque que l’on retrouve dans les noms d’Utrecht et Maastricht, et qui indiquait le vieux passage établi sur l’Escaut.Un vieux pont recevait un sentier descendant directement de Famars et remontant vers le hameau auquel Saint-Léger donna son nom à cause du martyre qu’il y souffrit. »
3°Faisons un bond de quelques siècles (au moyen âge).
Le controversé Jacques de Guyse (1340-1399) entreprend au XIV ème siècle l’écriture des chroniques du Hainaut. Il visite toutes les abbayes du Hainaut et recueille la documentation et les traditions orales de l’époque.
Il est controversé par les antiquaires (Savants qui s’occupent de l’antiquité), par de nombreuses sociétés historiques, même récentes, qui éprouvent des difficultés à différencier les légendes de la réalité historique. Un exemple : Tous les archéologues et chroniqueurs, écrivains, même ceux de la fin du XXème siècle affirmaient que Jacques de Guyse se trompait quand il écrivait que le roi de Famars avait été exécuté par César sur le Théâtre de Famars. Pour eux ce récit est une légende car il ne pouvait pas y avoir de théâtre à Famars. Il n’y en avait jamais eu. (Je crois que pour une personne savante le mot jamais devrait être exclu du vocabulaire !)
Les substructions de ce théâtre qui ne pouvait pas exister ont été découvertes par les archéologues de l’INRAP en 2004. Voir à ce sujet un autre article de ce blog en cliquant ici.
Bien sûr il y a un anachronisme dans ce passage, puisque le Roi (ou Duc) Hanwide de Famars ne peut pas avoir été exécuté sous les ordres de César puisque la ville venait d’être conquise et que le théâtre gallo-romain ne pouvait donc pas encore avoir été construit. Néanmoins si dans ses écrits Jacques de Guyse parle du théâtre de Famars c’est que la tradition orale ou ses prédécesseurs en avait gardé le souvenir.
Le pont Néron de Famars.?
Attention : La copie de cette photo est interdite sans en avoir obtenu les droits de réutilisation. Cette photo est sous copyright © KIK-IRPA , Bruxelles .
N° de dossier Z006477 pour ce blog.
Source : Institut Royal du patrimoine artistique. Bruxelles : Lien vers le site de l’ IRPA : Cliquez ici
Description: fol. 270 v. Construction du pont de Néron et de la route à Famars
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Ceux qui connaissent un peu l’histoire de Valenciennes vont me laisser un commentaire disant que le pont Néron n’a jamais été construit à Famars mais à Valenciennes…Pourtant c’est la description de cette peinture sur parchemin datée de 1447.
L’image ci-dessus reproduit le dessin exécuté par le peintre Roger Van der Weyden, Le scribe en était Jaquemin du Bois.
À mon avis la description a été mal traduite elle aurait pu être écrite « Construction du pont Néron et de la route de Famars, » car il s’agissait de la chaussée qui partait de Famars traversait l’Escaut sur le pont Néron à Valenciennes pour rejoindre Tournai.
Au fait. Pourquoi « pont Néron » pour ce pont qui se trouvait entre l’extrémité de la rue de Lille actuelle et la rue de l’Intendance, peu après la confluence de l’Escaut et de la Rhonelle ?
-Certaines sources citent le pont « Néro » car le pont en bois était noir (néro).
- Une autre source : Voir ci-dessous un extrait de « l’Histoire de Tournay » de Jean Cousin (1618) Google Books cliquez ici page 79, qui nous apprend que c’est Tibérius Néro qui aurait réparé le pont sur l’Escaut dit Pont Néron (à ne pas confondre avec L’empereur incendiaire Néron).
Tiberius Néron (en latin : Tiberius Claudius Nero), né vers 85 av. J.-C. et mort en 33 av. J.-C., est un général et homme politique romain. Source Wikipedia
En 1839 M. Benezech dans son « Etudes sur l’ Histoire de Hainaut de Jacques de Guyse » écrit page 56 (source google Books): « Le pont Néron d’abord construit en bois eut sa direction changée par Annolinus préfet de Rome et bâti en pierre ».
M. Benezech écrit page 57 que Annolinus fit construire une route en pierres de Bavai à Tournai et fit transporter sur l’Escaut, près de Valenciennes le pont Néron qui était auparavant auprès de Famars et avait été plus anciennement à Escaupont ».
D’Oultreman historien Valenciennois écrit que le pont fût réparé par le comte Béranger en l’an 831
Qu’ en déduire de tout cela: Que le pont Néron a été construit à Famars ? . Cela voudrait dire que le dessin sur parchemin ci dessus n’est pas si naïf que cela.
Si on observe le dessin, on pourrait l’interpréter ainsi: Famars se trouve à Gauche , la route qui conduit à Bavay est en cours de pavement et à l’Horizon on trouve Tournai. Chaque ville est représentée par un château dont la taille pouvait donner une idée de l’ importance de la cité à l’époque. Mais il est évident qu’il ne s’agit pas de la représentation des villes de l’époque de Néron. Objectons également que si le pont Néron se trouvait pendant un temps à Famars sur la Rhonelle comment traversait t’ on l’Escaut ?
Il semblerait donc que la description de la peinture sur parchemin ci dessus: « fol. 270 v. Construction du pont de Néron et de la route à Famars« , soit vraisemblable dans la mesure où certains anciens textes précisent que Valenciennes se trouve en Famars.(nom du comté).
Ci dessous un extrait de : La société littéraire de Bruxelles: Mémoires: Volume 1 (1770 à 1772). Page 43 Source Google books.
A la recherche de la vérité plus on croit s’en approcher, plus elle s’ éloigne.
En cliquant ici vous avez accès à l’excellent site de Michel Blas qui publie toutes les cartes de Valenciennes depuis le moyen-age. Choisissez la carte du moyen-age A (le Boucq), vous trouverez le pont Néron au Nord de Valenciennes rep 7…
Et maintenant pour conclure ce paragraphe, un cliché pris en 1949 par M. Achille Trotin du C.S.P.V.constitue une véritable surprise, C’est un document historique . Le cliché montre la confluence de L’Escaut et de la Rhonelle juste avant le pont Néro . Le cliché a été pris lors de travaux de voirie pendant la reconstruction de Valenciennes.
La reproduction de ce cliché est interdite sans l’accord de M. Achille Trotin du C.S.PV
Pour vous y repérer; En arrière plan on trouve la tour de l’église St Géry et à gauche du pont une face de la poste.
4° Le pont du moulin de Saméon
Une vue aérienne de Famars prise en 1959 montre le moulin de Saméon avec sa grange et un pont sur la Rhonelle.
Un gros plan montre mieux ce pont.
Ci-dessous ce qu’il reste du pont en 2012
Et puis un jour ce panneau est apparu.
Les experts ont déterminé que pour assurer la continuité écologique de la Rhonelle il fallait contourner le moulin.
Continuité et contournement ces mots me semblent antinomiques ! Mais ce n’est que mon avis, je ne suis pas un spécialiste.
Contournement du Moulin. Photo panoramique: cliquez sur l’image pour l’agrandir
Barrage en amont du moulin et du pont
Le moulin hors d’eau
Disparition du pont
Un épisode est tourné, ce pont qui aurait pu être d’un intérêt certain pour un chemin de randonnée n’est plus.
Cependant nous ne sommes pas à la fin de l’histoire un nouveau pont vient d’être lancé sur la Rhonelle en amont du Moulin à la limite des territoires de Famars et de Artres.
Ce n’est pas la photo d’une attraction d’un parc de loisirs « accrobranche » mais le nouveau pont de singe destiné aux promeneurs, qui reste difficile à trouver faute de signalétique
Fin de l’article
Certains nouveaux Sarrasins devraient ainsi découvrir une autre page de l’histoire de Famars et de la Rhonelle.
À bientôt
D’autres villages sont à découvrir en cliquant ici
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LICENCE CC-BY-NC-SA
Les photos personnelles de ce blog sont mises à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.
Pour les autres photos et illustrations: les sources sont citées.
Article fa-bu-leux de construction et d’érudition! Si des professionnels pouvaient s’en inspirer pour la Rhonelle, grande reléguée comme supplétive de l’Escaut pour faire naviguer des bateaux; mais aussi pour les autres sujets de ce site! De toute façon les chercheurs patentés sérieux ont besoin des chercheurs-trouveurs du cru… A diffuser aux étudiants; que ceux-ci puissent profiter d’une nouvelle école de recherche pour s’en tenir à de telles vérités de fond pour motiver leurs financeurs et lecteurs. A SUIVRE!
Merci Gipé, c’est trop d’éloges pour un béotien. Mais cela fait quand même plaisir à lire.
J’ai lu cet article avec plaisir
Très bien documenté et très intéressant
Bravo Georges,toujours la perfection dans la rédaction de tes blogs,
les petits détails avec un lien pour se renseigner, surtout ne changes rien
c’est parfait. Recharges tes batteries, amicalement > JR